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<< Rien n'est plus dangereux que l'axiome commun selon lequel il faut consulter l'esprit de la loi. C'est L100
dresser une digue bientôt rompue par le torrent des opinions. Chaque homme a son point de vue, qui L2
diffère selon les moments. L'esprit de la loi serait donc le résultat de la bonne ou de la mauvaise logique 3
d'un juge; il dépendrait de la violence de ses passions, de sa faiblesse quand il est malade, de ses 4
relations avec la personne lésée, de toutes les causes minimes qui changent l'aspect d'un objet selon les s
fluctuations de l'âme humaine. On verrait donc le sort d'un citoyen changer plusieurs fois en passant (6
devant différents tribunaux, et la vie des malheureux serait victime des faux raisonnements ou des C1
mouvements d'humeur passagers d'un juge qui prend pour une interprétation légitime le vague résultat
de toute une série de notions confuses flottant dans son esprit. On verrait le même tribunal punir les
mêmes délits différemment à des moments différents pour avoir consulté, non la voix constante et (b
précise de la loi, mais l'instabilité trompeuse des interprétations. Les inconvénients qui proviennent de
l'observation rigoureuse de la lettre d'une loi pénale ne sauraient être mis en balance avec les désordres
que provoque son interprétation. Lorsqu'un code formel de lois devant être observées à la lettre ne laisse
au juge d'autre tâche que d'examiner les actes des citoyens et de déterminer s'ils sont conformes ou
contraires à la loi écrite, lorsque les normes du juste et de l'injuste qui doivent régler les actions de
l'ignorant comme du philosophe sont une question, non de controverse, mais de fait, les sujets n'ont pas
à subir, de la part de nombreux petits tyrans, des vexations d'autant plus cruelles qu'il y a moins de
distance entre l'oppresseur et l'opprimé, et bien plus funeste que celles d'un seul individu. C'est ainsi
que les citoyens obtiendront la sécurité personnelle, qui est juste parce qu'elle est le but de la vie en
société, et qui est utile parce qu'elle les met en état de calculer exactement les inconvénients d'une 20
mauvaise action. Ces principes déplairont aux hommes qui se sont arrogé le droit de faire sentir aux L2L
inférieurs la tyrannie qu'ils subissent eux-mêmes de la part de leurs supérieurs. J'aurais tout à craindre L22
si l'esprit de la tyrannie allait de pair avec le goût de la lecture. >> Cesare Beccaria, Des délits et des
peines (1764).

Sagot :

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