Le recueil Les Fleurs du Mal constitue une offense à la morale publique et je tiens, sur ce
point, à répondre à toutes les objections.
La première objection qu'on me fera sera celle-ci : Le livre est triste ; le nom seul dit que
l'auteur a voulu dépeindre le mal et ses trompeuses caresses, pour s'en préserver. Ne
s'appelle-t-il pas Les Fleurs du mal ? Dès lors, il faudrait y voir un enseignement au lieu d'y
voir une offense.
Un enseignement! Croit-on que certaines fleurs au parfum vertigineux soient bonnes à
respirer ? Le poison qu'elles apportent n'éloigne pas d'elles; il monte à la tête, il grise les
nerfs, il donne le trouble, le vertige, et il peut tuer aussi.
Il peint le mal avec ses enivrements, mais aussi avec ses misères et ses hontes, direz-
vous! Soit; mais tous ces nombreux lecteurs pour lesquels il écrit, ces lecteurs multiples, de
tout rang, de tout âge, de toute condition, prendront-ils l'antidote dont vous parlez avec tant
de complaisance ? Même chez vos lecteurs instruits, croyez-vous qu'il y ait beaucoup de
froids calculateurs pesant le pour et le contre, mettant le contrepoids à côté du poids, ayant la
tête, l'imagination, les sens parfaitement équilibrés !
Mais la vérité, la voici : l'homme est toujours plus ou moins infirme, plus ou moins
faible, plus ou moins malade, portant d'autant plus le poids de sa chute originelle, qu'il veut
en douter ou la nier. Si telle est sa nature intime tant qu'elle n'est pas soignée par des efforts
et une discipline rigoureuse, il prendra facilement le goût de ces fleurs toxiques, sans se
préoccuper de l'enseignement que l'auteur veut y placer. 289 mots
Ernest Pinard, Réquisitoire au procès de Baudelaire (1857)
Rédigez une contraction du texte d'Ernest Pinard, d'environ 80 mots. (entre 72 mots et
88 mots).