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Lect
2 La relation avec « l'absente >>
1. Voir le page 29.
2. Département de la
Seine-Maritime aujourd'hui.
3. Roman de Margaret
Mitchell (1936)
4. Ville normande où a
grandi Annie Ernaux.
D
EPICERIE MERCERIE
'après l'état civil tu es ma sœur.
Tu portes le même patronyme'
que le mien, mon nom de jeune fille»,
Duchesne. Dans le livret de famille des
5 parents presque en lambeaux, à la
rubrique Naissance et Décès des
enfants issus du mariage, nous figu-
rons l'une au-dessous de l'autre. Toi en
haut avec deux tampons de la mairie
10 de Lillebonne (Seine-Inférieure), moi
avec un seul - c'est dans un autre livret
officiel I que sera remplie pour moi la case décès,
celui qui atteste de ma reproduction d'une
famille, avec un autre nom.
15
A Yvetot, le commerce des parents
d'Annie Ernaux, ici à la fenêtre
entre deux cousines.
Mais tu n'es pas ma sœur, tu ne l'as jamais été. Nous n'avons pas joué, mangé,
dormi ensemble. Je ne t'ai jamais touchée, embrassée. Je ne connais pas la cou-
leur de tes yeux. Je ne t'ai jamais vue. Tu es sans corps, sans voix, juste une
image plate sur quelques photos en noir et blanc, Je n'ai pas de mémoire de toi.
Tu étais déjà morte depuis deux ans et demi quand je suis née. Tu es l'enfant du
20 ciel, la petite fille invisible dont on ne parlait jamais, l'absente de toutes les
conversations. Le secret.
25
Tu as toujours été morte. Tu es entrée morte dans ma vie l'été de mes dix ans.
Née et morte dans un récit, comme Bonny, la petite fille de Scarlett et de Rhett
dans Autant en emporte le vent³.
La scène du récit se passe pendant les vacances 1950, le dernier été des grands
jeux du matin au soir entre cousines, quelques filles du quartier et des citadines
en vacances à Yvetot. On jouait à la marchande, aux grandes personnes, on se
fabriquait des maisons dans les nombreuses dépendances de la cour du com-
merce des parents, avec des casiers à bouteilles, des cartons et des vieux tissus.
30 [...] On s'échappait pour cueillir des mûres. Les garçons étaient interdits par les
parents sous le prétexte qu'ils préféraient les jeux brutaux. Le soir on se séparait,
sales comme des peignes. Je me lavais les bras et les jambes, heureuse de recom-
mencer le lendemain. L'année d'après, les filles seront toutes dispersées, ou
fâchées, je m'ennuierai et je ne ferai que lire.
35
Je voudrais continuer à décrire ces vacances-là, retarder. Faire le récit de ce
récit, ce sera en finir avec le flou du vécu, comme entreprendre de développer
une pellicule photo conservée dans un placard depuis soixante ans et jamais tirée.
ANNIE ERNAUX L'Autre Fille, collection Les Affranchis (p. 12-14). NIL Editions 2011.
Au fil de la lecture
5. Quelle information essentielle est donnée par l'auteure au début du texte?
6. De la ligne 15 à 21, comment est présentée leur relation? Comment l'écriture de l'auteure montre-t-elle cela?
7. Pourquoi les vacances de l'été 1950 sont-elles longuement décrites?
8. LANGUE Relevez les repères de temps de la ligne 25 à la fin du texte.
Revenir sol; écritures autobiographiques/25

Sagot :

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