regard rapide et circulaire, un de ces regards de joli garçon, qui sele
d'épervier. Les frames avaient levé la tête vers lui, trois petites ouvrières, une maîtresse de
musique entre deux âges, mal peignée, négligée, coiffée d'un chapeau toujours poussiéreux et
vêtue toujours d'une robe de travers, et deux bourgeoises avec leurs maris, habituées de cette
gargote à prix fixe. Lorsqu'il fut sur le trottoir, il demeura un instant immobile, se demandant
ce qu'il allait faire. On était au 28 juin et il lui restait juste en poche trois francs quaranie pour
finir le mois. Cela représentait deux diners sans déjeuners, ou deux déjeuners sans diners, au
choix. Il réfléchit que les repas du matin étant de vingt-deux sous, au lieu de trente que
coûtaient ceux du soir, il lui resterait, en se contentant des déjeuners, un franc vingt centimes
de boni, ce qui représentait encore deux collations au pain et au saucisson, plus deux bocks
sur le boulevard. C'était là sa grande dépense et son grand plaisir des nuits; et il se mit à
descendre la rue Notre-Dame-de-Lorette.
QUESTIONS
Guy DE MAUPASSANT, Bel-Ami, 1885.
1. Identifie et caractérise les différents personnages évoqués dans ce texte.
2. En quoi leurs caractéristiques informent sur leur situation sociale?
3. Montre que le cadre spatial aussi informe sur la situation sociale de ses personnages.
4.Dis la réalité sociale reflétée dans ce passage.
5. En quoi ce texte est une histoire vraisemblable?