Dimanche 5 Décembre 2004
Quand les hirondelles s'en vont, plus tard elles reviennent: quand les saules se desséchent,
plus tard ils reverdissent; quand les fleurs se fanent, demain elles retrouveront leur éclat... Mais
dites-moi, vous les sages, pourquoi nos jours écoulés ne reviennent jamais ? Serait-ce qu'on
nous les a volés ? Qui donc est le voleur ? Où les a-t-il cachés ? Ou bien se seraient-ils enfuis
tout seul ? Alors, où sont-ils allés ?
Je ne sais pas combien de jours il m'est donné de vivre Mais je sens que mes mains se vident.
de plus en plus...en calculant mentalement, je m'aperçois que plus de huit mille jours se sont
échappés de mes mains. Telle une goutte d'eau qui tombe, de la pointe d'une aiguille dans une
grande mer, mes jours se perdent dans le cours du temps sans aucun bruit, sans aucune
ombre Hélas ! Je ne peux que pleurer !
Que ce qui doit nous quitter s'en aille, que ce qui doit nous rejoindre vienne ! Je me demande
seulement pourquoi ce va-et-vient s'effectue si rapidement ! Ce matin, quand je me suis levé,
le soleil a envoyé obliquement, dans ma petite chambre, deux ou trois carrés de lumière. Le
soleil aussi a des pieds ! Il se déplace furtivement, je le suis sans savoir comment. Ainsi le
temps s'esquive à travers ma cuvette d'eau, quand je me lave les mains. Il s'en va en
franchissant mon bol, lorsque je prends mon repas. Et il s'envole devant mes yeux fixes,
pendant que je médite. Conscient de sa rapidité, j'étends les bras, essayant de le retenir. C'est
alors qu'il se sauve en me frôlant les mains .Le soir, étendu sur mon lit, je le sens franchir
lestement mon corps pour s'en aller en rasant mes pieds. Quand j'ouvre les yeux et que je
revois le soleil, c'est encore une journée qui m'échappe. Et tandis que je pousse des soupirs, le
visage, caché, un nouveau jour s'achève...
Qu'est ce que j'ai pu faire de ces jours qui s'envolaient sans cesse sur cette planète
encombrée par des myriades de maisons ? Je ne connais, jusqu'ici, que hâte et perplexité. En
effet qu'y a-t-il d'autres dans mes huit milles jours passés ?...Le temps qui s'en va ressemble à
une fumée légère chassée par la brise ou à ces brumes matinales qui s'évaporent au soleil
levant. Quelles traces me laisse-t-il ? En ce monde je suis venu tout nu. Est-ce aussi tout nu
que je le quitterai ? Il serait alors vraiment trop injuste de m'avoir fait faire ce dérangement
absolument pour rien! Oh ! Vous les sages ! Veuillez me dire pourquoi nos jours qui s'enfuient
ne reviendront jamais.