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Monsieur Spitzweg n’a pas de répondeur sur son vieux téléphone. Personne ne
l’appelle. Quelle idée l’a donc pris d’acheter un portable ? Dès son apparition sur les trottoirs parisiens, cet objet l’a fasciné. Un jour, tout près de lui, un golden boy a sorti l’appareil de sa poche, avec une désinvolture calculée. Il a tiré la petite antenne, pianoté sur les touches, puis s’est mis à parler. Monsieur Spitzweg a senti aussitôt une grande bouffée de mélancolie le traverser. Quoi, en plein milieu de la rue de Rennes, à deux pas de la Fnac, on pouvait ainsi d’un seul coup s’envoler, faire semblant de continuer à marcher au coeur de la foule pressée, et parler en même temps à quelqu’un, dans un jardin, peut-être, ou au bord de la mer ? Monsieur Spitzweg a songé aussitôt à Hélène Necker, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps - oui, c’est Hélène qu’il aurait appelée. Il l’aurait surprise seule en plein silence du village au début de l’après-midi, ses enfants à l’école, son grand dadais de Wolheber sulfatant le vignoble.
- Excuse-moi, Hélène, je t’entends moins bien. Ça doit être à cause de la tour
Montparnasse. Son prestige de Parisien serait devenu tangible et presque fantastique, un peu comme s’il venait à l’instant de quitter l’école primaire de Kinzheim pour épater enfin la petite fille aux nattes longues qui poussait son palet sur la marelle sans le regarder. Quel rapport ? Dans le portable du golden boy, monsieur Spitzweg croyait entendre ce chuintement de l’eau sur l’urinoir, à la récréation du soir. Trois jours plus tard, monsieur Spitzweg s’est offert un portable. Au bureau de poste de la Rue des Saints-Pères il n’en a parlé à personne. Un peu lâchement, il a même fustigé un jour devant ses collègues tous ces hommes d’affaires qui « se font voir » sur les trottoirs de la capitale. Depuis, la mode s’est tassée, la gloire du marcheur au portable a diminué. Mais pour monsieur Spitzweg, la magie demeure. Il ne « se fait pas voir ». Il se fait exister. Il rentre chez lui à pied. Arrivé sur la place de la Concorde, ou bien à la Madeleine, il sort son appareil d’un air gourmand, et tout à coup se sent en possession du monde. 08 36 68 02 75. Il appelle la météo. Monsieur Spitzweg aime savoir le temps qu’il va faire sur ses jours.



question
1. Pour quelle raison monsieur Spitzweg a-t-il acheté un téléphone portable ? 2. Quel usage en fait-il réellement ? 3. Quelle critique émet-il sur les possesseurs de portable ? 4. Quel sentiment éprouve-t-il lorsqu'il a son portable à la main ? Citez le texte.​