Son premier regard est pour le blé. Il en a tout de suite plein les yeux. - Ça, alors ! C'est lourd comme du plomb à fusil. C'est sain et doré, et propre comme on ne fait plus propre; pas une balle¹. Rien que du grain : sec, solide, net comme de l'eau du ruisseau. Il veut le tou- cher pour le sentir couler entre ses doigts. C'est pas une chose qu'on voit tous les jours. Touchez pas, dit l'homme. M. Astruc le regarde. Touchez pas. Si c'est pour acheter, ça va bien. Mais si c'est pour regarder, regardez avec les yeux. C'est pour acheter mais il ne touche pas. Il comprend. Il serait comme ça, lui. Où tu as eu ça ? - À Aubignane. M. Astruc se penche encore sur la belle graine. On la voit qui gonfle la toile des sacs. On la voit sans paille et sans poussière. Il ne dit rien et per- sonne ne dit rien, même pas celui qui est der- rière les sacs et qui vend. Il n'y a rien à dire. C'est du beau blé et tout le monde le sait. Jean GIONO, Regain, éd. Grasset. 1. Balle: enveloppe des graines de céréales. Écrire ce texte au passé simple