Je ne suis pas un homme du XVIIIe siècle. J'appartiens au siècle de la vitesse et des
avions, je quitte Paris à six heures du matin par 5° C pour arriver à Jakarta après quelques
heures de vol et un plateau-repas. Je ne sais rien du passage des Tropiques, du lent glissement
vers la moiteur, des courants-marins qui s'inversent dans une gerbe d'écume et de poissons
volants. Les forêts tropicales se trouvent à ma porte, mais je les traverse les mains lides. Hier
on cueillait comme on respirait, aujourd'hui les accords internationaux barrent l'accès à la
biodiversité: avant la forêt des arbres il y a désormais celle des autorisations, des permis de
collecte, des accords de transfert. Tout est soumis à formalités, mon terrain est l'administrati
le bureautique plus que le sentier: je nage dans la paperasse, je m'enlise dans les méandres de
World Wild Web, plongé dans la contemplation d'un écran. Ce qu'il reste du botaniste dans
tout ça ? Peut-être cette inclinaison irrépressible, cet attrait pour le végétal qui au cours de ma
journée de travail finit par me faire lever les yeux, ou plutôt les baisser, vers ce petit jardin que
déborde sur ma fenêtre, vers ce Rhipsalis qui étire ses tiges jusque sous mes pieds. Dehors,
mes yeux traînent en permanence, sur la pousse que j'aperçois embusquée sous la roue d'un
scooter, sur cette rosette qui m'interpelle à la sortie du métro. Voilà un séneçon du Cap, béat
de contentement dans sa craquelure de trottoir. Voilà un jeune Paulownia, parti les trois
feuilles en avant à la conquête de la ville. Ils s'insinuent d'eux-mêmes dans l'espace qui ne
leur a pas été offert, heureux comme des rois, monarques de ce grand règne végétal qui me
fascine depuis toujours.
Mare Jeanson et Charlotte Fauve, Botaniste, 2019
Bonsoir, j’aurais besoin d’aide s’il vous plaît sur un devoir en français, que veut dire l’auteur à travers son texte ?