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Marcovaldo est ouvrier. Il vit avec sa femme et ses six enfants dans une grande ville de l’Italie du Nord. Cette scène décrit l’ambiance de la ville le soir, lorsque les habitants se ruent vers les boutiques.
A 6 heures du soir, la ville tombait aux mains des consommateurs. Durant toute la journée, le gros travail de la population active était la production : elle produisait des biens de consommation. A une heure donnée, comme si on avait abaissé un interrupteur, tout le monde laissait tomber la production et, hop! se ruait vers la consommation. Chaque jour, les vitrines illuminées avaient à peine le temps de s'épanouir en de nouveaux étalages, les rouges saucissons de pendiller, les piles d'assiettes de porcelaine de s'élever jusqu'au plafond, les coupons de tissu de déployer leurs draperies comme des queues de paons que, déjà, la foule des consommateurs faisait irruption pour démanteler, grignoter, palper, faire main basse. Une queue interminable serpentait sur tous les trottoirs, sous toutes les arcades des rues et, s'engouffrant à travers les portes vitrées des magasins, se pressait autour de tous les comptoirs, poussée par les coups de coude dans les côtes de chacun comme par d'incessants coups de piston. Consommez ! et ils tripotaient la marchandise, la remettaient en place, la reprenaient, se l'arrachaient des mains. Consommez ! et ils obligeaient les vendeuses pâlichonnes à étaler des sous-vêtements sur le comptoir. Consommez ! et les pelotes de ficelle de couleur tournaient comme des toupies, les feuilles de papier à fleurs battaient des ailes en enveloppant les achats pour en faire des petits paquets puis, en les groupant, des paquets moyens et, avec ceux-ci, de gros paquets, chacun d'eux ficelé avec un joli nœud. Et petits paquets, paquets moyens, gros paquets, portefeuilles, sacs à main tourbillonnaient autour de la caisse en un embouteillage qui n'en finissait plus ; les mains fouillaient dans les sacs pour y chercher les porte-monnaie, et les doigts fouillaient dans les porte- monnaie pour y chercher de la monnaie. Dans une forêt de jambes inconnues et de pans de pardessus et de manteaux, des enfants égarés, dont on avait lâché la main, pleuraient.
Un de ces soirs-là, Marcovaldo promenait sa famille. N'ayant pas d'argent, leur plaisir était de regarder les autres faire des achats […]
Pour Marcovaldo, son salaire, étant donné qu'il était aussi maigre que sa famille était nombreuse, et qu'il y avait des traites et des dettes à payer, son salaire fondait aussitôt touché.
De toute façon, tout cela était bien plaisant à regarder, surtout si l'on faisait un tour au supermarché. […]




Comme les autres, Marcovaldo prit un chariot en entrant, sa femme fit de même et aussi ses quatre gosses qui en prirent un chacun. Et, se suivant à la queue leu leu, poussant leur chariot devant eux entre les rayons et les comptoirs croulant sous des montagnes de denrées alimentaires, ils se montraient les saucissons et les fromages, les nommaient, comme s'ils reconnaissaient dans la foule des visages d'amis ou pour le moins de connaissances.
Papa, disaient à chaque instant les gosses, on peut prendre ça ?
Non, on y touche pas, c'est défendu, répondait Marcovaldo, se souvenant que la caissière les attendait en fin de parcours pour le paiement.
Pourquoi, alors, que cette dame-là elle en prend? insistaient les gosses en voyant toutes ces braves femmes qui, entrées seulement pour acheter un céleri et deux carottes, ne savaient pas résister devant une pyramide de pots et de boîtes et, toc! toc! toc! d'un geste mi-machinal, mi- résigné, faisaient tomber et tambouriner dans le chariot des boîtes de tomates pelées, des pêches au sirop, des anchois à l'huile.
Italo Calvino, Marcovaldo


Impressions de lecture et rythme du texte. Humain ou robot conditionné ?

1)Quels sont les mots qui reviennent tout le temps?

2) A quel mot d’ordre les consommateurs doivent-ils obéir ?

3)Observer les imparfaits : que disent-ils du comportement des consommateurs ?

4)Qu’est-ce qui prouve que l’auteur leur fait perdre toute humanité ?

5)Trouver un autre passage qui montre la déshumanisation au profit de l’obligation d’achat.






Une description lucide et humoristique.

6)Quels sont les mots qui prouvent que l’auteur réagit avec humour ?


7)Comment se comporte Marcovaldo dans le magasin. Est-ce qu’il est actif ? S’il ne consomme pas, que fait-il ?


8)Est-ce que les enfants comprennent ? En quoi la situation est-elle cruelle ?


BILAN : quelle image de la société de consommation est donnée dans ce texte ? Selon vous, que critique l’auteur ?






Sagot :

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