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pose des questions, elle raconte des anecdotes, une aventure qui lui est arrivée dans la journée ou une scène à laquelle elle a assisté, elle retrouve l'usage des mots, elle hésite, comme une convalescente, bute sur l'enchaînement, se reprend, elle a rappelé des amies, revu d'anciens collègues et acheté quel ques nouveaux vêtements.
Le soir, quand nous sommes à table, je surprends le regard de mon père sur elle, ce regard incrédule et attendri, et en même temps chargé d'inquiétude. comme si tout cela, si mystérieux, ne tenait qu'à un fil.
Dans la vie il y a un truc qui est gênant, un truc contre lequel on ne peut rien: il est impossible d'arrêter de penser. Quand j'étais petite je m'en traînais tous les soirs, allongée dans mon lit, j'essayais de faire le vide absolu, je chassais les idées les unes après les autres, avant même qu'elles deviennent des mots, je les exterminais à la racine, les annulais à la source, mais toujours je me heur tais au même problème: penser à arrêter de penser, c'est encore penser. Et contre ça on ne peut rien.
Un jour j'ai essayé de soumettre la question à No, je me suis dit qu'avec tout ce qu'elle avait vécu elle avait peut-être découvert une solution, un moyen de contourner le problème, elle m'a regardée avec un air moqueur:
-Jamais tu t'arrêtes?
- M'arrêter de quoi?
De gamberger.
Ben non, justement, c'est ce que je suis en train de t'expliquer, en fait, quand tu y réfléchis, ce n'est pas possible.
-Si, quand tu dors. - Mais quand on dort on rêve...
Tas qu'à faire comme moi, je rêve jamais, c'est mauvais pour la santé.
Elle ne trouve pas ça idiot que je découpe les emballages de surgelés, que je collectionne les éti quettes de vêtements et de textiles, que je fasse des tests comparatifs inter-marques sur la longueur des rouleaux de papier toilette, elle me regarde mesu rer, triet, classer, avec un sourire au coin de la bouche, un sourire dénué de toute ironic. Assise à côté d'elle je découpe des mots dans les journaux pour les coller sur mon cahier, elle me demande si je n'en ai pas assez, ou à quoi ça sert, mais elle m'aide à chercher dans le dictionnaire, je vois bien que ça lui plait, il n'y a qu'à voir comme elle me dicte la définition, avec sa voix cassée, elle détache chaque syllabe comme une maîtresse d'école, avec un air sérieux et tout. Un jour elle m'a aidée à découper des formes géométriques pour le lycée, elle s'appliquait en vrai, les lèvres pincées, elle ne voulait pas que je lui parle, elle avait peur de rater, ça avait l'air tellement important pour elle, que tout soit parfait, au micro centième de millimètre près, je l'ai drôlement félicitée quand elle a eu ter miné. Ce qu'elle aime par-dessus tout, c'est m'aider à réciter mes leçons d'anglais. Une fois je devais réviser un dialogue entre Jane et Peter à propos d'écologie, je n'ai pas osé lui dire qu'il suffisait que je le lise une fois ou deux pour le mémoriser, elle voulait absolument faire Peter et que je fasse Jane. Avec un accent français à mourir de rire elle s'y est
reprise à dix fois pour prononcer worldwide, elle butait sur le mot, faisait la grimace, recommençait On a tellement ri qu'on n'a jamais pu arriver au bout.
Quand je suis occupée elle passe beaucoup de temps sans rien faire, c'est peut-être la seule chose qui me rappelle d'où elle vient, cette capacité qu'elle a de se poser n'importe où, comme un objet, d'attendre que les minutes passent, le regard perdu, comme si quelque chose devait advenir qui l'empor terait ailleurs, comme si tout cela au fond ne comp tait pas, n'avait pas d'importance, comme si tout cela pouvait s'arrêter d'un coup.
Quand elle fume je l'accompagne sur le balcon, on discute en regardant les fenêtres allumées, les formes des immeubles qui se détachent dans l'obs curite, les gens dans leur cuisine. J'essaie d'en savoir davantage sur Loie, son amoureux, elle m'a dit qu'il était parti vivre en Irlande, mais qu'un jour, quand elle aurait de l'argent et une nouvelle dent, elle irait le retrouver
Le soir, on se donne rendez-vous chez Lucas. En sortant du lycée je prends le bus avec lui, quand il fait trop froid pour attendre nous descendons dans le métro. No nous rejoint là-bas, nous y sommes seuls et libres. Elle passe ses journées à se présenter dans des boutiques, des associations, des agences. elle dépose son CV à droite et à gauche, appelle des numéros qu'on lui a conseillés, pour entendre tout
Jours les mêmes réponses. Elle a arrêté l'école en troisième, elle ne parle aucune langue étrangère, ne sait pas utiliser un ordinateur, elle n'a jamais tra vaille
Avec Lucas on invente pour elle des jours enfoncé sur ses cheveux en bataille, ces moments où elle est sans doute elle-même, sans peur et sans rancœur, ses yeux brillants dans le halo bleu de la télévision.
Le soir où No nous a annoncé qu'elle avait trouvé du travail, mon père est descendu