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on à la contraction de textes
le texte suivant en le résumant au quart avec une marge de 10%.
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Elles existent à travers le monde, affrontant l'avenir avec inquiétude et tentant d'embras-
ser ce qu'elles perçoivent, au plus près de la faille, de l'incertitude, du trouble, de l'approche
de la vérité.
Elles n'ont jamais voulu être écrivaines, elles le sont devenues.
Pour la plupart d'entre elles ce fut un don ou plutôt une malédiction. Un harcèlement
pour toutes.
Car écrire est un tourment perpétuel, une activité à part entière qui gangrène vos nuits
et habite vos jours. Pas d'entracte où la tension se relâche. Pas de répit où la nécessité d'en
écrire s'enfuit. Mme de Staël aurait tant aimé ne savoir que faire le thé et briller dans les
10 conversations. George Sand écrire des programmes révolutionnaires pour Lamartine, sans
que nul ne le sût, Marguerite Duras s'allonger l'été sur le sable devant les Roches noires
et s'endormir au soleil sans entendre ce que disaient à côté d'elle les petits enfants de la
colonie de vacances pour, ensuite, retranscrire leurs paroles à sa manière.]
Ça parle en elles. Tout le temps. Ça les harcèle. C'est un grondement continu quel-
1squefois, quand l'angoisse diminue, cela devient murmure en chuchotis; cela peut devenir
aussi vacarme, sensation d'éboulement, fragmentation de l'être, désordre vénéneux, la per-
dition est proche mais jamais elles n'allumeront les signaux de détresse.]
Elles n'en parlent pas. Elles le vivent et tentent, quand elles le peuvent, d'en écrire.
Seules, elles le sont. Elles le savent. Elles en souffrent. Mais elles assument ce dialogue
20 intérieur qui, par essence, interdit la présence d'aucun témoin. À l'exception de Dieu, quel-
Lquefois, mais c'est rare. //
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Elles, ce sont celles qui écrivent.
Et celles qui écrivent sont des créatrices de langues.
Une femme qui écrit n'est pas une passeuse de langue, une contrebandière de mots, une
25 pourvoyeuse de sens, une chasseuse qui met dans sa gibecière quelques formes nouvelles.
Une femme qui écrit est la créatrice d'un univers, une semeuse de désordre, une per-
sonne qui se met en risque et qui ignore le danger, tant sa tâche le requiert, une personne
qui invente la langue, sa langue, notre langue.
Comment dire ce qu'on est, qui on est?
Personne ne nous a demandé de naître, disent, de manière différente selon les siècles,
mais permanente et troublante, les femmes qui écrivent. Personne n'était là pour nous
accueillir. Alors comment faisons-nous pour trouver une place dans le monde, nous ins-
crire dans le flux de la vie, continuer à tenter de respirer, lever le voile d'inquiétude qui
s'est interposé entre nous et les autres?
Comment colmater la béance, ne pas sombrer dans la désespérance, ne plus vaciller,
échapper à ce vertige du décalage métaphysique entre SOI, MOI, LA LANGUE qui m'est
donnée en partage et ce que je ressens au plus profond de moi? [...] //
Aujourd'hui, rares sont les femmes dans le monde à pouvoir accéder aux mots. Celles
qui le furent et qui le sont, et qui continuent à l'être, sont maîtresses de leurs mots et écrivent
des livres qui peuvent changer le regard, voire la vie de milliers de personnes. George Sand
pensait qu'en matière de droits, de liberté, d'égalité, il n'y avait qu'un seul sexe. À l'aube du
XXIe siècle nous pouvons espérer que celui-ci sera plus féminin, que les femmes n'auront
plus à s'émanciper de leur sexe pour dire ce qu'est la féminité, que les femmes écrivains
seront de plus en plus aptes à traduire cette présence, si palpitante en nous lectrices, du
féminin en elles, donc de l'universel, de la fêlure en chacune de nous, de cette recherche
commune entre femmes qui écrivent et femmes qui lisent. Sensations d'être au bord du
gouffre, nous lectrices, et de vouloir tendre la main pour les protéger elles, femmes qui
écrivent et qui prennent tant de risques comme Hélène Cixous dans ce texte récent inti-
tulé Hyperrêve et s'ouvrant ainsi : « Il y a le temps d'avant l'interruption de ma mère. Il y a
so le temps d'après l'interruption de mon ami. Je suis paradoxale dorénavant. Je suis avant
après et après je suis en retard et en avance, je suis déjaprès et déjavant, je suis jetée en
ronds, encerclée, distanciée. »] (685 mots)
Laure Adler, « Féminitude», Les femmes qui écrivent vivent dangereusement, Flammarion, 2007.