2- Relisez attentivement le texte. Relevez les tournures qui vous frappent.
Il leur avait semblé à tous les trois que c'était une bonne idée d'acheter ce cheval.
Même si ça en devait servir qu'à payer les cigarettes de Joseph. D'abord, c'était une
idée, ça prouvait qu'ils pouvaient encore avoir des idées. Puis ils se sentaient moins
seuls, reliés par ce cheval au monde extérieur, tout de même capables d'en extraire
quelque chose, de ce monde, même si c'était misérable, d'en extraire quelque chose
qui n'avait pas été à eux jusque-là, et de l'amener jusqu'à leur coin de plaine saturée
de sel, jusqu'à eux trois saturés d'ennui et d'amertume. C'était ça les transports :
même d'un désert, où rien ne pousse, on pouvait encore faire sortir quelque chose,
en le faisant traverser à ceux qui vivent ailleurs, à ceux qui sont du monde.
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Cela dura huit jours. Le cheval était trop vieux, bien plus vieux que la mère pour
un cheval, un vieillard centenaire. Il essaya honnêtement de faire le travail qu'on lui
demandait et qui était bien au-dessus de ses forces depuis longtemps, puis il creva.
Ils en furent dégoûtés, si dégoûtés, en se retrouvant sans cheval sur leur coin de
plaine, dans la solitude et la stérilité de toujours, qu'ils décidèrent le soir même qu'ils
15 iraient tous les trois le lendemain à Ram, pour essayer de se consoler en voyant du
monde.
Et c'est le lendemain à Ram qu'ils devaient faire la rencontre qui allait changer
leur vie à tous.
Comme quoi une idée est toujours une bonne idée, du moment qu'elle fait faire
20 quelque chose, même si tout est entrepris de travers, par exemple avec des chevaux
moribonds. Comme quoi une idée de ce genre est toujours une bonne idée, même si
tout échoue lamentablement, parce qu'alors il arrive au moins qu'on finisse par
devenir impatient, comme on ne le serait jamais devenu si on avait commencé par
penser que les idées qu'on avait étaient de mauvaises idées.