societes 10
thomique et
de l'anthropologie
de
pratique
Si l'on entend par technique l'ensemble des procédés dont se dotent les hommes, non
point pour s'assurer la maîtrise absolue de la nature (ceci ne vaut que pour notre monde et
son dément projet cartésien dont on commence à peine à mesurer les conséquences
écologiques), mais pour s'assurer une maîtrise du milieu naturel adaptée et relative à leurs
besoins, alors on ne peut plus du tout parler d'infériorité technique des sociétés primitives :
elles démontrent une capacité de satisfaire leurs besoins au moins égale à celle dont
s'enorgueillit la société industrielle et technique. C'est dire que tout groupe humain parvient,
par force, à exercer le minimum nécessaire de domination sur le milieu qu'il occupe. On n'a
jusqu'à présent connaissance d'aucune société qui se serait établie, sauf par contrainte et
violence extérieure, sur un espace naturel impossible à maîtriser: ou bien elle disparaît, ou
bien elle change de territoire. Ce qui surprend chez les Eskimo ou chez les Australiens, c'est
justement la richesse, l'imagination et la finesse de l'activité technique, la puissance
d'invention et d'efficacité que démontre l'outillage utilisé par ces peuples. Il n'est d'ailleurs
que de se promener dans les musées ethnographiques: la rigueur de fabrication des
instruments de la vie quotidienne fait presque de chaque modeste outil une oeuvre d'art. Il
n'y a donc pas de hiérarchie dans le champ de la technique, il n'y a pas de technologie
supérieure ni inférieure; on ne peut mesurer un équipement technologique qu'à sa capacité
de satisfaire, en un milieu donné, les besoins de la société.
Pierre Clastres, la société contre l'État, 1974
n'hés Oun
to brinue depent & Le