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Bonjour pouvez-vous m’aider à faire une Synthèse sur cet extrait merci

Simone de Beauvoir exprime son bonheur familial, l'admiration
profonde qu'elle éprouve pour son père et son attrait pour la littérature.
La routine de mes journées avait autant de rigueur que le rythme des
saisons: le moindre écart me jetait dans l'extraordinaire. Marcher dans la
douceur du crépuscule, à l'heure où d'habitude maman verrouillait la porte
d'entrée, c'était aussi surprenant, aussi poétique qu'au coeur de l'hiver une
saubépine en fleur.
Il y eut un soir tout à fait insolite où nous bûmes du chocolat, à la
terrasse de Prévost, face à l'immeuble du Matin. Un journal lumineux annon-
çait les péripéties du match qui se déroulait à New York entre Carpentier et
Dempsey. Le carrefour était noir de monde. Quand Carpentier fut mis k-o
il y eut des hommes et des femmes qui fondirent en larmes: je rentrai à la
maison toute fière d'avoir assisté à ce grand événement. Mais je n'aimais pas
moins nos soirées quotidiennes dans le bureau calfeutré: mon père nous lisait
Le Voyage de M. Perrichon, ou bien nous lisions, côte à côte, chacun pour soi
Je regardais mes parents, ma soeur, et j'avais chaud au cœur. « Nous quatrels
me disais-je avec ravissement. Et je pensais: «Que nous sommes heureux!
Une seule chose, par instants, m'assombrissait: un jour, je le savais
cette période de ma vie s'achèverait. Cela ne paraissait pas vraisemblable. Quand
on a aimé ses parents pendant vingt ans, comment peut-on, sans mourir de
douleur, les quitter pour suivre un inconnu? et comment peut-on, alors qu'on
20 s'est passé de lui pendant vingt ans, se mettre à aimer du jour au lendemain
un homme qui ne vous est rien? J'interrogeai papa: «Un mari, c'est autre
chose», répondit-il; il eut un petit sourire qui ne m'éclaira pas.
Je considérais toujours avec déplaisir le mariage. Je n'y voyais pas
une servitude, car maman n'avait rien d'une opprimée; c'était la
is promiscuité qui me rebutait. « Le soir, au lit, on ne peut même
pas pleurer tranquillement si on en a envie!» me disais-je avec
effroi. Je ne sais pas si mon bonheur était entrecoupé de crises de
tristesse, mais souvent la nuit je me faisais pleurer pour le plaisir;
m'obliger à refréner ces larmes, c'eût été me refuser ce mini-
mum de liberté dont j'avais un impérieux besoin. Tout le jour,
je sentais des regards braqués sur moi: j'aimais mon entourage,
mais quand je me couchai s le soir, j'éprouvais un vif soulagement
à l'idée de vivre enfin quelques instants sans témoin; alors je
pouvais m'interroger, me souvenir, m'émouvoir, prêter l'oreille à
is ces rumeurs timides que la présence des adultes étouffe. Il m'eût
été odieux qu'on me privât de ce répit.
Cam
Simone de Beauvoir
Mémoires d'une jeune fille rangée, Gallimard, 1958

Sagot :

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