A la suite d'un naufrage, le professeur Aronnax, le narrateur, est recueilli par Nemo, le commandant
d'un immense sous-marin: le Nautilus.
Je suivis le capitaine Nemo, et dès que j'eus franchi
la porte, je pris une sorte de couloir électriquement
éclairé, semblable aux coursives' d'un navire. Après un
parcours d'une dizaine de mètres, une seconde porte
souvrit devant moi.
J'entrai alors dans une salle à manger ornée et meublée
avec un goût sévère. De hauts dressoirs de chêne,
incrustés d'ornements d'ébène, s'élevaient aux deux
extrémités de cette salle, et sur leurs rayons à ligne
so ondulée étincelaient des faïences, des porcelaines, des
verreries d'un prix inestimable. La vaisselle plate y
resplendissait sous les rayons que versait un plafond
lumineux, dont de fines peintures tamisaient et
adoucissaient l'éclat.
Au centre de la salle était une table richement servie.
Le capitaine Nemo m'indiqua la place que je devais
occuper.
* Asseyez-vous, me dit-il, et mangez comme un
homme qui doit mourir de faim. >
Le déjeuner se composait d'un certain nombre
de plats dont la mer seule avait fourni le contenu,
et de quelques mets dont j'ignorais la nature et la
provenance. J'avouerai que c'était bon, mais avec un
goût particulier auquel je m'habituai facilement. Ces
as divers aliments me parurent riches en phosphore', et je
pensai qu'ils devaient avoir une origine marine.
Le capitaine Nemo me regardait. Je ne lui demandai
rien, mais il devina mes pensées, et il répondit de lui-
même aux questions que je brûlais de lui adresser.
La plupart de ces mets vous sont inconnus, me dit-il.
Cependant, vous pouvez en user sans crainte. Ils sont
sains et nourrissants. Depuis longtemps, j'ai renoncé
aux aliments de la terre, et je ne m'en porte pas plus
mal. Mon équipage, qui est vigoureux, ne se nourrit
pas autrement que moi.
- Ainsi, dis-je, tous ces aliments sont des produits de
la mer?
Oui, monsieur le professeur, la mer fournit à tous
mes besoins. Tantôt, je mets mes filets à la traine, et
je les retire, prêts à se rompre. Tantôt, je vais chasser
au milieu de cet élément qui paraît être inaccessible
à l'homme, et je force le gibier qui gite dans mes
forêts sous-marines. Mes troupeaux, comme ceux du
vieux pasteur de Neptune', paissent sans crainte les
as immenses prairies de l'Océan..
Jules Verne, Vingt-mille lienes sous les mes, 1869.
1. Coursives: couloirs. 2. Dressoirs : sorte de placards.
3. Phosphore: minéral indispensable à la vie humaine.
4 Vieux pasteur de Neptune: Protée, créature, mythologique qui
gardait les troupeaux du dieu de la Mer. 5. Paissent: broutent.
1. (4 points) Quelle est l'attitude du capitaine Nemo vis-à-vis du narrateur? Proposez au moins deux éléments de
réponse.
2. (6 points) a. Relisez le deuxième paragraphe. Quel champ lexical, autre que ceux du mobilier et de la vaisselle,
vous semble important ?
b. Dans le passage allant de « De hauts dressoirs de chêne » à « d'un prix inestimable » (1. 7-11), quelles
remarques pouvez-vous faire sur les procédés d'écriture ? Deux remarques au moins sont attendues.
c. En vous aidant de vos réponses précédentes, expliquez quelle image le narrateur donne de la salle à manger.
3. (4 points) Proposez trois adjectifs pour décrire le repas offert au narrateur. Justifiez votre réponse.
4. (4 points) Pour quelles raisons le capitaine Nemo dit-il mes forêts et mes troupeaux (1. 42-43) ?
5. (8 points) a. Sachant que Jules Verne écrit au XIXe siècle, quelles innovations scientifiques et technologiques le
Nautilus présente-t-il pour l'époque ?
b. Sont-elles de bonnes choses, d'après ce texte ? Votre réponse sera construite et argumentée.
6 (4 points) En quoi ce texte écrit à la fin du XIX siècle vous semble-t-il annoncer les progrès scientifiquesà venir ?
GRAMMAIRE
1. (6 points) Identifiez le temps du verbe entrai (1. 6) et justifiez son emploi.
2. (4 points) De fines peintures tamisaient et adoucissaient l'éclat » (l. 13-14). Étudiez la composition du mot
souligné et dites quel est son sens dans la phrase.
3. (10 points) Réécrivez le passage allant de « La mer fournit » à « mes forêts sous-marines » (1. 38-43), à
l'imparfait de l'indicatif.