HISTOIRE 3
URSS: la famine de 1932-1933 (DM)
Qu'est-ce qui explique l'avènement d'une famine meurtrière dans l'URSS des années 1930?
À la fin des années 1920, l'URSS est confrontée à de sérieuses difficultés économiques. Pour développer l'industrie,
Staline décide de lancer la collectivisation des campagnes. Celle-ci est particulièrement brutale: le pouvoir
stalinien est décidé à aller très vite. Les paysans sont tenus de livrer une grande part de leurs récoltes et d'adhérer
à des fermes collectives (les kalkhozes et les sovkhozes). Les koulaks, qui constituent la partie de la paysannerie la
plus performante et la plus aisée, sont particulièrement visés. L'objectif est d'amasser la plus grande masse de
fonds pour les réinvestir dans l'industrie. Le blé réquisitionné est vendu sur les marchés internationaux pour
acquérir des machines indispensables au développement de l'industrie. Il y a bien sûr plus à prendre auprès de
paysans propriétaires de leurs terres que de simples ouvriers agricoles qui ne disposent d'aucun bien....
Document 1: la collectivisation forcée des campagnes
Comme le confirment les archives aujourd'hui accessibles, la collectivisation forcée des campagnes fut une
véritable guerre déclarée par l'État soviétique contre toute une nation de petits exploitants. Plus de deux
millions de paysans déportés, dont un million huit cents mille rien qu'en 1930-1931, six millions morts de faim,
des centaines de milliers de morts en déportation: ces quelques chiffres donnent la mesure de la tragédie
humaine que fut ce « grand assaut » contre la paysannerie. Loin de se borner à l'hiver 1929-1930, cette guerre
dura au moins jusqu'au milieu des années 30, culminant au cours des années 1932-1933, marquées par une
terrible famine délibérément provoquée par les autorités pour briser la résistance de la paysannerie. La
violence exercée contre les paysans permit d'expérimenter des méthodes appliquées par la suite à d'autres
groupes sociaux. En ce sens, elle constitue une étape décisive dans le développement de la Terreur stalinienne.
Nicolas WERTH,« Un État contre son peuple, Violences, répressions, terreurs, en Union
soviétique », in Stéphane COURTOIS et al., Le Livre noir du communisme, Crimes,
terreur, répression, Robert Laffont, 1997, Pocket », p. 208
Document 2: rapport de la GUEPEOU de la province de Smolensk
[] les dekoulakisateurs ôtaient aux paysans aisés leurs vêtements d'hiver et leurs sous-vêtements chauds,
s'emparant en premier lieu des chaussures. Ils laissaient les koulaks en caleçon, prenaient tout, y compris les
vieilles chaussures en caoutchouc, les habits des femmes, du thé pour 50 kopecks, des tisonniers, des brocs...
Les brigades confisquaient jusqu'aux petits oreillers placés sous la tête des enfants, tout comme la kacha qui
cuisait au four et qu'ils répandaient sur les icônes, après les avoir brisées.
Merle FAINSOO, Smolensk à l'heure de Staline, Fayard, 1967, pp. 271-272
1
La kacha est une variété de bouillie constituée de sarrasin, mais aussi d'autres céréales.
2. Représentations religieuses très présentes dans la religion orthodoxe.
Document 3: les effets de la famine
Les enfants nés en Ukraine à la fin des années 1920 et au début des années 1930 se retrouvèrent dans un
monde de mort, au milieu de parents démunis et d'autorités hostiles. Un garçon né en 1933 avait une
espérance de vie de sept ans. [-]
l'école de louri Lyssenko, huit ans, dans la région de Kharkiv, une fille s'effondra simplement en classe un
, comme si elle dormait. Les adultes se précipitèrent, mais louri savait que son cas était désespéré, « qu'elle
at morte et qu'on allait l'enterrer au cimetière, comme on avait enterré des gens hier, et avant-hier, et tous
es jours. Une fois qu'ils péchaient dans une mare, les garçons d'une autre école attrapèrent la tête coupée
d'un camarade de classe. Toute sa famille était morte. L'avaient-ils mangé d'abord? Ou avait-il survécu à la
mort de ses parents à seule fin d'être victime d'un cannibale ? Nul ne le savait, mais pour les enfants d'Ukraine,
en 1933, c'étaient là des questions courantes.
Timothy SNYDER, Terres de sang, L'Europe entre Hitler et Staline, New-York, 2010, Paris,
Gallimard, Folio, 2012, pp. 104-105.