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La Mode, sketch de Pierre Desproges
La mode ? Comment vous dire à quel point je me fous de la mode ? Tenez, vollà: la mode occupe à
peu près autant d'importance dans mon existence que le trombone que j'ai senti tout à l'heure par
hasard en enfonçant la main dans la poche de mon pantalon, voyez ? Les mots me manquent pour
vous dire à quel point je me fous, me contrefous de ce trombone, égaré là entre une pochette
d'allumettes et la monnale du boulanger. Enfin, je veux dire, ce trombone m'est égal, au-delà de
toute expression, ce trombone est l'objet le moins extraordinaire que l'ale jamais rencontré. Tenez, à
Theure où je vous parle, si ce trombone n'était pas dans ma poche, son absence ne pèserait pas plus
sur mon comportement actuel devant vous que la mort de Julio Iglesias ne pèserait sur la politique
extérieure de la Corée du Nord.
Eh bien, il en est pour moi de la mode comme de ce trombone. L'un comme l'autre occupent dans
ma pensée la place exacte qu'occupe le théâtre d'Audiberti dans la pensée de Marcel Cerdan junior.
Mais alors, direz-vous, pourquol cet imbécile nous boursoufle-t-il le cortex avec un sujet qui le
préoccupe encore moins que nous ? Pourquoi, au lieu de nous parler de fringues, ne nous parle-t-il
pas plutôt d'amour, comme il le fait si bien ? D'autant que pour bien le pratiquer, l'amour, la
première chose n'est-elle pas de se débarrasser de ses fringues?
Certes, j'eusse pu. J'eusse pu, mais si j'évoque ici le falbala, c'est pas du tout par hasard. C'est à la
suite des déclarations scandaleuses d'un de ces maîtres du chiffon pompeux, cet
arrogantissimecouturier transalpin... Comment s'appelle-t-il ? Pietro Saltani. Mais si, vous connaissez
que lui, cette virevoltante sommité milanaise, indécente d'exubérance, et plus gesticulante qu'un
chihuahua cocainomane... Eh bien, cet imbécile a osé déclarer l'autre jour dans un journal soi-disant
féminin, deux points, ouvrez les guillemets, avec des pincettes, il a dit : "Le couturier n'a pas à tenir
compte des formes du corps de la femme, c'est au corps de la femme de s'abaisser à l'art du
couturier." Incroyable I je veux bien fermer les guillemets, mais pas ma gueule.
Est-il Dieu possible, en pleine mouvance des droits de la femme, que des bougresses se plient encore
aux ordres fascisants d'une espèce de Ubu prostatique de la mode, qui, au lieu de crever de honte
dans son anachronisme, continue de leur imposer le carcan chiffonnier de ses fantasmes les plus
étriqués, et cela, jusqu'au fin fond populaire de nos plus mornes Prisunic?
Je t'en prie, ma femme, ma soeur, mon amour, mets ton jean, ou reste nue, mais ne marche pas dans
la mode, ça porte malheur.
En quoi ce texte est-il une satire ? Vous relèverez différents procédés d'écriture pour appuyer votre
réponses

Sagot :

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