À peine s'avança-t-il vers le bois, que tous ces grands arbres, ces ronces
et ces épines s'écartèrent d'elles-mêmes pour le laisser passer: il marche vers le
Château qu'il voyait au bout d'une grande avenue où il entra, et ce qui le surprit
un peu, il vit que personne de ses gens ne l'avait pu suivre, parce que les arbres
s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé. Il ne laissa pas de continuer son
chemin : un Prince jeune et amoureux est toujours vaillant. [...]
Il passe une grande cour pavée de marbre, il monte l'escalier, il entre
dans la salle des Gardes qui étaient rangés en haie, la carabine sur l'épaule, et
ronflants de leur mieux. Il traverse plusieurs chambres pleines de Gentilshommes
et de Dames, dormants tous, les uns debout, les autres assis; il entre dans une
chambre toute dorée, et il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous
côtés, le plus beau spectacle qu'il eût jamais vu : une Princesse qui paraissait avoir
quinze ou seize ans, et dont l'éclat resplendissant avait quelque chose de lumineux
et de divin. Il s'approcha en tremblant et en admirant, et se mit à genoux auprès
d'elle. Alors comme la fin de l'enchantement était venue, la Princesse s'éveilla; et
le regardant avec des yeux plus tendres qu'une première vue ne semblait le
permettre: « Est-ce vous, mon Prince? lui dit-elle, vous vous êtes bien fait
attendre. >>
Charles Perrault, Contes de ma mère l'Oye (1697)quel et sa tonalité littéraire