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Sagot :
Bonjour
Si l’injustice est un concept, elle est aussi une incontestable réalité. Le paradoxe de la justice est que nous nous heurtons d’abord à son absence, à son déficit dans un monde où elle fait figure d’exception. C’est pourquoi l’expérience originaire et première est toujours celle de l’injustice. Toujours très précoce, elle s’enracine dans la petite enfance, comme en témoigne la remarque ironique de Socrate à Alcibiade dans le dialogue de jeunesse de Platon. Alors que ce dernier n’avait encore aucune connaissance claire de la justice, il dénonçait déjà avec vigueur l’injustice de ses petits camarades qui trichaient au jeu des osselets. L’enfant en effet se plaint de l’injustice dont il est victime bien avant d’être capable d’appréhender la justice en tant que concept rationnel.
Selon Freud et la psychanalyse classique, c’est dès les premiers mois de la vie que le nourrisson fait l’expérience de l’injustice, au cours de ses premiers échanges avec sa mère. En raison de l’état de détresse infantile en effet le petit enfant se trouve dans une totale dépendance de la mère, qui dispense les soins. Lorsqu’il éprouve l’impression d’un relatif délaissement de celle-ci, il se sent alors injustement traité. Plus tard, lorsque l’enfant est plongé dans la situation œdipienne et qu’il réalise qu’il est exclu du couple parental, il va éprouver un sentiment d’impuissance et d’exclusion qu’il va vivre comme une injustice. Le petit garçon se sent injustement éliminé d’une relation jusque là amoureuse avec la mère. S’y ajoute l’agrandissement de la famille avec la naissance des frères et sœurs. L’enfant ressent comme injuste de n’être plus le roi de la famille. Sous quelle modalité une telle expérience s’effectue-t-elle ? Celle d’un sentiment, c’est à dire d’un affect ( l’affectivité exprime notre réceptivité au monde qui nous entoure, c’est par elle que nous éprouvons et ressentons). Le sentiment – qu’il convient à la fois de distinguer de la simple émotion et des excès de la passion – a nom indignation : sentiment spontané, parfois viscéral, à travers lequel nous exprimons notre réprobation face à ce qui nous apparaît comme une atteinte à un principe de justice. Descartes, dans Les passions de l’âme, le définira comme suit : "l’indignation est une espèce de haine ou d’aversion qu’on a naturellement contre ceux qui nous font quelque mal, de quelque nature qu’il soit". L’indignation apparaît comme une forme de refus ou de révolte face au scandale de l’inacceptable : ce qui ne doit pas être.
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