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NTRODUCTION
Parler de féminisme ou de féministes pendant la Révolution française est
certainement un anachronisme, mais c’est bien en France que ces termes apparaissent au
XIXe siècle. La tradition veut que l’inventeur du mot féminisme soit Charles Fourier
(1772-1837), le philosophe promoteur de l’égalité des sexes. La date signalée par la
plupart des sources est 1837, mais en cette année, qui est aussi celle de sa mort, Fourier
n’a presque rien publié. Les principaux dictionnaires étymologiques donnent eux aussi
cette date et citent cet auteur, sur la base d’autres citations qui se renvoient les unes les
autres. Quant au mot féministe, c’est très probablement à Alexandre Dumas fils (1824-
1895), écrivain plutôt antiféministe, que l’on doit attribuer son premier usage : il utilise
ce terme de façon péjorative dans son essai L’Homme-femme de juin 1872, une réponse
à l’article d’Henri d’Ideville « Faut-il tuer la femme adultère ? » paru dans Le Soir. C’est
toutefois une femme, Hubertine Auclert (1848-1914), journaliste, suffragette et féministe
militante française, qui récupère le terme féministe pour définir un partisan de
l’affranchissement des femmes, donc avec une prise de conscience définitive, dans une
lettre publiée dans son journal suffragiste La Citoyenne en 1882.
Les deux mots féminisme et féministe commencent à entrer dans le discours de la
presse au début des années 1890, et celui qui était appelé jusqu’en 1891 le mouvement
féminin devient désormais le mouvement féministe. Le monde francophone limitrophe
(Suisse, Belgique) accepte instantanément féminisme et féministe dans le langage
courant1.
C’est donc après quelques années, en 1898, que le professeur Alphonse Aulard,
titulaire de la chaire d’Histoire de la Révolution Française à Paris, républicain et
dreyfusard, s’interroge sur le féminisme pendant la Révolution française : il se demande
si on peut parler de l’existence d’un mouvement qui peut être défini féministe. Dans un
article publié dans la Revue politique et littéraire2, il écrit :
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