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bonjour

avez-vous un extrait d'un livre qui dure une minute, qui soit en français et qui ne soit pas coupé ?

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Sagot :

Bonsoir,

Extrait de "Le grand Maulnes" (Alain-Fournier)

J’avais quinze ans. C’était un froid dimanche de novembre, le premier jour d’automne qui fît songer à l’hiver. Toute la journée, Millie avait attendu une voiture de La Gare qui devait lui apporter un chapeau pour la mauvaise saison. Le matin, elle avait manqué la messe ; et jusqu’au sermon, assis dans le chœur avec les autres enfants, j’avais regardé anxieusement du côté des cloches, pour la voir entrer avec son chapeau neuf.

Après midi, je dus partir seul à vêpres.

— D’ailleurs, me dit-elle, pour me consoler, en brossant de sa main mon costume d’enfant, même s’il était arrivé, ce chapeau, il aurait bien fallu sans doute, que je passe mon dimanche à le refaire.

Souvent nos dimanches d’hiver se passaient ainsi. Dès le matin, mon père s’en allait au loin, sur le bord de quelque étang couvert de brume, pêcher le brochet dans une barque ; et ma mère, retirée jusqu’à la nuit dans sa chambre obscure, rafistolait d’humbles toilettes. Elle s’enfermait ainsi de crainte qu’une dame de ses amies, aussi pauvre qu’elle mais aussi fière, vînt la surprendre. Et moi, les vêpres finies, j’attendais, en lisant dans la froide salle à manger, qu’elle ouvrît la porte pour me montrer comment ça lui allait.

Ce dimanche-là, quelque animation devant l’église me retint dehors après vêpres. Un baptême, sous le porche, avait attroupé des gamins. Sur la place, plusieurs hommes du bourg avaient revêtu leurs vareuses de pompiers ; et, les faisceaux formés, transis et battant la semelle, ils écoutaient Boujardon, le brigadier, s’embrouiller dans la théorie…

Le carillon du baptême s’arrêta soudain, comme une sonnerie de fête qui se serait trompée de jour et d’endroit ; Boujardon et ses hommes, l’arme en bandoulière emmenèrent la pompe au petit trot ; et je les vis disparaître au premier tournant, suivis de quatre gamins silencieux, écrasant de leurs grosses semelles les brindilles de la route givrée où je n’osais pas les suivre.

Dans le bourg, il n’y eut plus alors de vivant que le café Daniel, où j’entendais sourdement monter puis s’apaiser les discussions des buveurs. Et, frôlant le mur bas de la grande cour qui isolait notre maison du village, j’arrivai un peu anxieux de mon retard, à la petite grille.

Elle était entr’ouverte et je vis aussitôt qu’il se passait quelque chose d’insolite.

En effet, à la porte de la salle à manger — la plus rapprochée des cinq portes vitrées qui donnaient sur la cour — une femme aux cheveux gris, penchée, cherchait à voir au travers des rideaux. Elle était petite, coiffée d’une capote de velours noir à l’ancienne mode. Elle avait un visage maigre et fin, mais ravagé par l’inquiétude ; et je ne sais quelle appréhension, à sa vue, m’arrêta sur la première marche, devant la grille.

— Où est-il passé ? mon Dieu ! disait-elle à mi-voix. Il était avec moi tout à l’heure. Il a déjà fait le tour de la maison. Il s’est peut-être sauvé…

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