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Sagot :
Réponse:
1Lorsqu’en 1919 Henri Bergson réunit ses articles consacrés au psychisme humain en un recueil, il choisit de l’intituler L’énergie spirituelle1. Il indique par ce titre que son spiritualisme, bien connu, porte avec lui une conception énergétique de l’âme humaine. Pourtant, Bergson ne propose nulle part dans son œuvre une synthèse doctrinale complète et définitive du concept d’énergie spirituelle. Il égrène plutôt les remarques tout au long de ses livres et oblige son lecteur à un effort de recomposition. Cet effort herméneutique, que nous voudrions entreprendre ici, exige de replacer l’œuvre bergsonienne dans son contexte intellectuel et historique. En effet, Bergson n’est pas le premier à expliquer l’esprit par une énergie dont les mouvements, la conservation et les transformations rendraient possibles les différentes fonctions mentales. La thèse psychophysiologique qu’il combat depuis sa jeunesse repose sur l’idée d’après laquelle la pensée humaine a pour condition sine qua non la conservation et la circulation dans le réseau nerveux d’une énergie semblable à celle de l’univers. L’origine de cette thèse remonte à l’Idéologie physiologique de Cabanis et à la biologie de Lamarck. Elle trouve son prolongement dans la psychophysique de Helmholtz et dans les théories neurologiques de Müller et Jackson. Enfin, elle s’épanouit dans la psychologie scientifique de Spencer, Taine et Ribot2. Si le dualisme classique, d’obédience cartésienne, opérait un partage net entre l’âme et le corps, les progrès de la science physique et de la biologie empiètent de plus en plus sur le territoire dévolu initialement à l’âme. L’explication mécaniste s’est étendue au point de vouloir absorber en elle le domaine de l’esprit tout entier. Et si dans la philosophie classique l’esprit était un empire dans un empire, pour les psycho-physiologistes il ne serait plus désormais qu’un corrélat de l’activité nerveuse, voire un simple épiphénomène. La philosophie de Bergson réagit à cette invasion en bataillant sur le terrain de ses adversaires : les sciences de la matière, celles du vivant et du cerveau. Il en limite la portée et, par contraste, dégage un domaine propre de l’esprit, irréductible aux explications naturalistes. Le problème opposant Bergson à ses adversaires porte donc sur l’essence, spirituelle ou physique, de l’énergie à la source du psychisme. L’hypothèse bergsonienne d’une énergie spirituelle vise ainsi à concurrencer la théorie mécaniste d’une énergie physico-chimique concentrée dans le cerveau.
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