Gerbier, un résistant récemment arrêté et enfermé dans un camp en France, s'est pris
d'amitié pour un de ses compagnons de baraque, Leyrain, un jeune communiste, empri-
sonné depuis un an et ignorant ce qui se passe hors du camp.
C'était surtout la nuit que Gerbier avait le temps de parler. [...
Gerbier disait comment des postes de radio dissimulés dans les villes ou
dans les hameaux' permettaient de parler chaque jour avec les amis du monde
libre. Il racontait le travail des opérateurs secrets, leur ruse, leur patience, leurs
5 risques et la musique merveilleuse que font les messages chiffrés. Il montrait le
réseau immense d'écoute et de surveillance qui enveloppait l'ennemi, comptait
ses régiments, ses défenses, pénétrait ses documents. Et Gerbier disait aussi
qu'en toute saison, à toute heure, des agents de liaison couraient, cheminaient,
se glissaient à travers la France entière. Et il peignait cette France souterraine,
10 cette France de dépôts d'armes enfouis, de postes de commandement allant de
refuge en refuge, de chefs inconnus, d'hommes et de femmes qui changeaient
sans cesse de nom, d'aspect, de toit et de visage.
Ces gens, disait Gerbier, auraient pu se tenir tranquilles. Rien ne les forçait à
l'action. La sagesse, le bon sens leur conseillait de manger et de dormir à l'ombre
15 des baïonnettes allemandes et de voir fructifier leurs affaires, sourire leurs
femmes, grandir leurs enfants. Les liens matériels et les biens de la tendresse
étroite leur étaient ainsi assurés. Ils avaient même pour apaiser et bercer leur
conscience la bénédiction du vieillard de Vichy? Vraiment, rien ne les forçait
au combat, rien que leur âme libre.
Sais-tu, disait Gerbier, de quoi est faite la vie de l'homme illégal? de l'homme
de la résistance ? Il n'a plus d'identité, ou il en a tellement qu'il en a oublié la
sienne. Il n'a pas de feuille d'alimentation'. Il ne peut même plus se nourrir à
mi-faim. Il dort dans une soupente", ou chez une fille publique, ou bien sur les
dalles d'une boutique, ou dans une grange abandonnée, ou sur une banquette de
25 gare. Il ne peut plus revoir les siens que la police surveille. Si sa femme - ce qui
arrive souvent-est aussi dans la résistance, ses enfants poussent au hasard. La
menace d'être pris double son ombre. Chaque jour des camarades disparaissent,
torturés, fusillés. Il va de gîte précaire en gîte précaire, sans feu ni lieu, traqué,
obscur, fantôme de lui-même.
Et Gerbier disait encore :
Mais il n'est jamais seul. Il sent autour de lui la foi et la tendresse de tout un
peuple enchaîné. Il trouve ses complices, il trouve des amis dans les champs
et à l'usine. Dans les faubourgs et dans les châteaux, chez les gendarmes, les
cheminots, les contrebandiers, les marchands et les prêtres. Chez les vieux no-
35 taires et chez les jeunes filles. Le plus pauvre partage sa maigre ration de pain
avec lui. Lui, qui n'a même pas le droit d'entrer chez un boulanger, parce qu'il
lutte pour toutes les moissons de la France.
Ainsi parlait Gerbier. Et Legrain sur son grabat enflammé, dans l'obscurité
étouffante, découvrait un pays tout neuf et enchanté, peuplé de combattants
0 sans nombre, et sans armes, une patrie d'amis sacrés, plus belle que ne le fut
jamais patrie sur la terre. La résistance était cette patrie.
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Joseph KESSEL, L'Armée des ombres (1943), © Pocket, Paris, 2006
voici les questions 1. De qui gerbier parle t il a Legrain ?
2. que dit il de ces gens? ligne 2 à 12 .
dans les lignes 13 à 19?
dans les lignes 20 à 29?
3. relevez les verbe dont gerbier est le sujet. que remarquez vous?
4. ligne 13 à 19 relevez une répétition.
que souligne t elle ?
5. ligne 31 à 37 quelle idée gerbier developpe t il?
cette idée est elle originale sous la plume d'un résistant ? justifier.
6. Le discours de gerbier est-il efficace auprès de Legrain ? justifier votre réponse en vous appuyant sur le texte.
7. quels mots du texte évoque le titre de l'œuvre ?
expliquer ce titre à partir de cet extrait .
bonjour pourriez vous m'aider je vous envremercie d'avance car le français je ne suis pas fan merci merci​