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Sagot :
La fable s’ouvre sur la description succincte et suggestive, à l’imparfait, de l’animal qui occupe le premier plan du récit : la tortue. L’épithète homérique « à la tête légère » donne à voir la tête qui émerge de la carapace tout en laissant entendre d’emblée des capacités intellectuelles limitées. L’antithèse « trou »/ « pays » révèle son désir de voyage.
Les vers 3 et 4 élargissent le propos grâce au pronom « on » et condamnent déjà le projet. La tortue, personnifiée, est représentative d’un ensemble plus vaste, dévalorisé par le narrateur : les « gens boiteux ». Vouloir quitter les lieux familiers : un projet bien déraisonnable pour ceux qui ne sont pas en capacité physique de le faire – c’est bien le cas de la tortue…
Au vers 5, le bestiaire s’enrichit de deux protagonistes à plumes, en contraste avec la tortue, à nouveau moquée avec le terme « commère » et l’antiphrase « beau dessein ».
Un dialogue s’enclenche au discours direct qui dynamise la scène en donnant à entendre ce que font miroiter les canards, au futur de certitude. Le « large chemin » fait sourire : il renvoie à l’univers céleste, d’où la tortue devrait être exclue. L’anaphore sur un rythme ternaire (« mainte république, / Maint royaume, maint peuple ») et les pluriels (« différentes mœurs ») sont autant de découvertes tentantes mais lointaines (un océan à traverser tout de même, au vers 9)
La référence à Ulysse amuse, car convoquée à contre-emploi, comme le souligne le narrateur qui cherche un lecteur complice (« on ne s’attendait guère / De voir Ulysse en cette affaire… ») (vers 13 et 14)
Le récit se poursuit, allant à l’essentiel au présent de narration. La « machine » (vers 16) mise au point s’avère des plus basiques : un simple « bâton » (vers 18). La tortue est personnifiée par l’expression « pèlerine » ; un contraste comique s’installe avec l’évocation de la « gueule » au vers suivant, qui rappelle que l’on a affaire à un animal.
Le lecteur visualise aisément les conditions de transport, sources de comique de situation (vers 18 à 24). La subordonnée temporelle « La tortue enlevée » crée un effet d’accélération et donne à imaginer l’improbable décollage.
À la rime du vers 22, « cette guise » renforce l’effet de surprise, associé au lexique de la sidération : « on s’étonne partout » (vers 21), « miracle » (vers 24). La périphrase « animal lent et sa maison » insiste sur la démesure de l’entreprise de la tortue, pas à sa place dans les airs !
La rime « nues » / « tortues » souligne bien l’aspect incongru de la situation. Dans la bouche des témoins, une hyperbole grandit l’animal, taxé de « reine des tortues » (vers 26)
La tortue fait preuve d’hybris, une démesure punissable : elle oublie sa condition et compte sur la technique pour en sortir. Son orgueil déplacé lui coûtera la vie.
Ce vocabulaire ironiquement flatteur précipite la catastrophe : la tortue oublie les conseils avisés et insistants des canards (double impératif du vers 19 : « serrez bien », « gardez »). La tortue pèche par orgueil (« La Reine ! vraiment oui ; je la suis en effet »), oubliant sa condition.
Sa chute violente, rapportée au présent, illustre ironiquement la chute du récit : « elle tombe, elle crève ». Reste à tirer la morale, particulièrement étoffée dans cette fable.
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