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La culture a une dimension politique, en ce qu’elle est nécessaire à l’épanouissement du citoyen, à la cohésion sociale et au sentiment de faire communauté. En favorisant l’intégration, elle lutte en amont contre ce que l’on ne traite trop souvent qu’a posteriori : perte du lien social, incivisme, délinquance. Mais malgré tous les efforts, l’objectif d’assurer l’accès à la culture de tous les Français est encore loin d’être atteint. Dans le même temps, la dimension fondamentalement individuelle, libre et créative de la culture fait que l’État ne saurait trop s’immiscer dans ses affaires, au risque de tomber dans les travers d’une culture officielle. En faire trop ou pas assez : toute politique culturelle est donc un savant équilibre.

En matière de culture, la mission principale de l’État reste de permettre à tous d’en bénéficier. Si l’on prend par exemple la question des équipements culturels, la France est plutôt bien dotée avec près de 30 000 équipements sur tout le territoire. Mais ceux-ci sont mal répartis : dans 86 bassins de vie, "territoires culturels prioritaires", on en compte moins d’un pour 10 000 habitants, alors que les régions métropolitaines apparaissent beaucoup mieux loties. Le gouvernement a fait de cette inégalité une de ses priorités, comme l’illustre le plan "Culture près de chez vous" lancé en mars dernier, qui mise sur l’itinérance des œuvres et des artistes. L’accessibilité est aussi un enjeu majeur, puisqu’un certain nombre de publics ne peuvent atteindre aujourd’hui ces équipements, comme les personnes handicapées, hospitalisées ou même détenues.

L’État ne peut pas seul assurer cette mission : les collectivités ont un rôle essentiel à jouer pour mener des actions adaptées à leur population et à leur territoire ; il ne faut pas oublier qu’elles représentent les trois quarts de la dépense culturelle. Elles s’adaptent à la contrainte budgétaire, en renforçant notamment les coopérations intercommunales, un échelon qui paraît particulièrement adapté à la conduite d’une politique culturelle ambitieuse aux coûts mutualisés. Elles sont en première ligne pour soutenir les initiatives locales, comme cette librairie implantée en début d’année au cœur de la ville de Bondy, seul établissement de ce type dans une ville de 54 000 habitants. Fruit de la ténacité de deux jeunes femmes, elle semble pour le moment réussir son pari.

Soutenir les lieux de culture ne suffit malheureusement pas, encore faut-il que les gens s’y rendent pour que ceux-ci ne restent pas réservés à une élite. Dans ce cadre, la gratuité est une option séduisante, mais un outil à manier avec précaution. Elle peut se transformer en subvention aux populations aisées si dans le même temps rien n’est fait pour rapprocher de la culture les publics qui en sont les plus éloignés, souvent issus de catégories sociales plus défavorisées. C’est là que la médiation culturelle prend toute son importance, pour parvenir à établir un contact avec des personnes qui n’auraient jamais eu l’idée de pousser les portes d’un musée ou de se rendre au théâtre.

La jeunesse est évidemment une population cible, car c’est à cet âge, par la socialisation, que les pratiques culturelles se font et que les inégalités se créent. L’école joue donc un rôle primordial pour transmettre et éveiller. On peut citer à ce titre l’action volontariste de la ville de Cannes, qui a remporté son pari de 100 % d’enfants formés aux activités culturelles et artistiques.

Autre politique à destination de la jeunesse, le Pass Culture, promis par Emmanuel Macron, vient d’être lancé dans cinq départements. Il offre aux jeunes un crédit de 500 euros qu’ils peuvent dépenser librement dans un certain nombre d’activités culturelles. L’idée est là encore séduisante, elle fait appel à l’esprit d’initiative tout en répondant à la contrainte financière, mais sa mise en œuvre devra faire l’objet d’une évaluation attentive. En Italie, un outil similaire a donné des résultats mitigés : le public concerné ne s’en est pas pleinement saisi et l’argent a parfois été détourné de son objectif.

On touche là aux limites inhérentes à l’action culturelle de l’État. Il peut proposer, soutenir, mais ne peut évidemment pas forcer les gens à franchir le pas. Cette limite existera toujours. Élargir l’accès à la culture n’est pas une mission facile, mais elle est cruciale : dans un pays dont la culture rayonne tant à l’extérieur, il n’est pas acceptable qu’un si grand nombre de ses enfants en demeurent encore privés.

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