Pouvez vous m'aider; merci beaucoup
Texte :
L’institution Salem était un bâtiment carré bâti en briques, avec deux ailes ; le tout d’une apparence nue et désolée. Tout ce qui l’entourait était si tranquille que je dis à Monsieur Mell que probablement les élèves étaient en promenade, mais il parut surpris de ce que je ne savais pas qu’on était en vacances, et que tous les élèves étaient dans leurs maisonnées respectives. Quant à moi, on m’envoyait pendant les vacances pour me punir de ma mauvaise conduite, comme il me l’expliqua tout du long en chemin.
Il me mena dans la salle d’études ; jamais je n’avais vu un lieu si déplorable ni si désolé. Une longue salle avec trois longues rangées de pupitres et six de bancs, avec sur son pourtour une forêt de patères pour accrocher les chapeaux et les ardoises. Des fragments de vieux cahiers et d’exercices jonchaient le plancher sale. Par toute la pièce, il règne une odeur malsaine, qui rappelle celle du velours côtelé piqué d’humidité, de pommes renfermées et de livres moisis. Il ne saurait y avoir plus d’encre éclaboussée dans toute cette pièce, lors même que les architectes auraient oublié d’y mettre une toiture, et que, pendant toute l’année, le ciel y aurait fait pleuvoir, neiger, grêler ou venter de l’encre.
Je m’avançai timidement vers l’autre bout de la salle observant tout cela tandis que je rasais les murs. Tout à coup j’arrivai devant un écriteau en carton gisant sur un pupitre ; on y lisait ces mots, couchés dans une écriture magnifique : » Prenez garde. Il mord »
Je grimpai immédiatement sur le pupitre, persuadé que dessous il y avait au moins un gros chien. Mais j’avais beau regarder tout autour de moi avec inquiétude, je ne l’apercevais pas. J’étais encore absorbé dans cette recherche, lorsque Monsieur Mell revint et me demanda ce que je faisais là-haut. « Je vous demande bien pardon, monsieur, mais je regarde où est le chien.
- Le chien, dit-il, quel chien ?
- N’est-ce pas un chien, monsieur ?
- Quoi ? Qu’est-ce qui n’est pas un chien ?
- Cet animal auquel il faut prendre garde, monsieur, parce qu’il mord.
- Non Copperfield, dit-il gravement, ce n’est pas un chien ; C’est un garçon. J’ai pour instruction, Copperfield, de vous accrocher cet écriteau derrière le dos. Je suis fâché d’avoir à commencer par là avec vous, mais il le faut. »
Sur ce, il me fit descendre et m’attacha l’écriteau qui était fort adapté à sa fonction, sur mes épaules tel un havresac ; et partout où j’allais ensuite, j’eus la consolation de le transporter avec moi.
Ce que j’eus à souffrir de cet écriteau, personne ne peut le deviner. Qu’il fût possible de me voir ou non, je me figurais toujours que quelqu’un était là à le lire ; ce n’était pas un soulagement pour moi que de me retourner et de ne voir personne, car où que se trouvât mon dos, je me figurais toujours qu’il y avait quelqu’un derrière. La cruauté de l’homme à la jambe de bois aggravait encore mes souffrances ; c’était lui l’autorité, et si jamais il me voyait m’appuyer le dos contre un arbre ou contre le mur, ou contre la maison, il criait de sa loge d’une vois formidable : « Holà ! Vous là ! Copperfield ! Mettez cette pancarte en évidence ou je vous colle un rapport ! »/
Le terrain de récréation était une cour nue, en gravier, où donnaient le derrière de la maison et les dépendances ; je savais que les domestiques lisaient ma pancarte, que le boucher et le boulanger la lisaient ; en un mot que tous ceux qui entraient et sortaient le matin, tandis que je m’y promenais par ordre, lisaient qu’il fallait prendre garde à moi parce que je mordais. J’avais fini réellement par avoir peur de moi comme d’une espèce d’enfant sauvage qui mordait pour de bon.
Il y avait dans cette cour de récréation une vieille porte sur laquelle les élèves avaient coutume de graver leurs noms. Elle était complètement couverte d’inscriptions de ce genre. Dans ma terreur de voir arriver la fin des vacances et le retour des élèves, je ne pouvais lire le nom d’un élève sans me demander ce qu’il penserait en lisant : Prenez garde, il mord.
1) Quelle image de l’éducation anglaise à cette époque est donnée par le narrateur ?
2) Relevez le champ lexical de la souffrance ? A quel autre sentiment cette souffrance est-elle associée ?
3) Quel sentiment Charles Dickens veut-il faire naître chez le lecteur ?